L'hypothèse de l'EMDR
L’efficacité de l’EMDR n’est aujourd’hui plus à démontrer, en atteste de nombreuses publications scientifiques. Il s’agit d’une thérapie reconnue par l’OMS, l’INSERM et la Haute Autorité de Santé. Il s’agit de la plus reconnue et la plus efficace dans le traitement des psychotraumatismes.
La connaissance que nous avons actuellement du fonctionnement cérébral ne permet pas d’expliquer avec certitude les mécanismes d’action de la thérapie EMDR. Cela étant, nous pouvons avancer l’hypothèse que les traumas ou les expériences négatives de la vie bouleverseraient l’équilibre du système de traitement de l’information par le cerveau. Ce déséquilibre empêcherait le système de traitement de l’information de procéder à une résolution adaptative.
En conséquence, les perceptions, émotions, cognitions résultant de notre expérience seraient « verrouillées» dans le système nerveux. Bien que l’efficacité de l’EMDR pour les états de stress post-traumatique soit aujourd’hui reconnue, plusieurs hypothèses explicatives avancées jusqu’à présent permettraient d’expliquer ses effets. Aucune d’entre elles ne peuvent être totalement réfutées. En voici quelques unes :
Système de traitement de l’information (TIA)
Ce modèle proposé par Francine Shapiro suggère que l’information spécifique au traumatisme serait stockée de manière fragmentée (des images, des sons, des odeurs,…) au niveau cérébral, ce qui empêcherait son intégration dans la mémoire de manière adaptée. Francine Shapiro observe que dans le fonctionnement normal, le cerveau est tout à fait capable de traiter des informations chargées émotionnellement, et elle postule l’existence d’un Système de traitement d’information spécifique, traitant les souvenirs traumatiques. Ce système de Traitement d’Information Adaptatif (TIA) ne fonctionnerait pas chez certaines personnes et, dans ce cas, il pourrait être sous l’effet de la stimulation rythmique bilatérale de l’EMDR. Une fois activé, ce système traiterait de manière accélérée le matériel traumatique.
La thérapie EMDR et l’exposition
L’EMDR peut être comparée à l’exposition, thérapie utilisée en thérapie comportementale. En effet, l’EMDR se centre dans un premier temps sur le vécu traumatique, avec ses affects et ses cognitions, qui doit être activé pour être traité. Ainsi on observe que le niveau de détresse / de perturbation dans le traitement par l’EMDR diminue au prorata du temps de présentation du stimulus, de la même manière qu’on l’observe dans un traitement avec exposition. Quoique l’exposition puisse être considérée comme un élément important dans l’EMDR, quelques observations démontrent que seule l’exposition comme explication pour l’efficacité de l’EMDR ne suffit pas :
– Plusieurs études comparant la thérapie EMDR et l’exposition montrent que l’EMDR donne les mêmes résultats que l’exposition, mais en moins de temps ;
– Interrompre l’exposition ne conduit pas à une diminution de la tension au moment où l’anxiété est à son maximum, tandis qu’avec l’EMDR, après chaque stimulation, on questionne le patient brièvement, sans que cela n’empêche qu’une désensibilisation ait lieu.
En règle générale il n’y a pas d’apparition de chaînes associatives ou d’images spontanées lors de l’exposition, alors que c’est bien le cas avec la thérapie EMDR.
REM (Rapid Eye Movement – Mouvements oculaires rapides)
Une des premières hypothèses avancées pour expliquer l’efficacité de l’EMDR a été de pointer sa similitude avec la phase de sommeil paradoxal (pendant laquelle ont lieu les rêves et les REM). Cette hypothèse a été réétudiée par Stickgold (1998) sous une nouvelle forme. Cet auteur a étudié tant la consolidation des pensées durant le sommeil, que la pathologie de l’état de stress post-traumatique et son traitement par l’EMDR. Après avoir réalisé des milliers d’analyse de rêves, Stickgold affirme, que lors du rêve, du matériel faiblement associatif provenant du néocortex est transféré durant la phase de sommeil paradoxal.
Reflexe d’orientation et réaction de détente
Armstrong et Vaughan (1998) remarquent que les stimulations alternées dans le traitement avec l’EMDR empêche une réaction biologique du souvenir traumatique : la stimulation active une réaction d’orientation, qui contrecarre un niveau d’activation élevé. Ceci a pour effet de produire un effacement accéléré du matériel traumatique.
Déséquilibre dans l’activation des hémisphères
Par la stimulation bilatérale alternée durant le déclenchement du souvenir traumatique il y aurait une synchronisation d’une activation et d’une inhibition dans les réseaux neuronaux des hémisphères droit et gauche auparavant isolés. Cette synchronisation conduirait à une infiltration d’aspects rationnels et émotionnels et à une restructuration du vécu du souvenir. De telles restructurations permettraient la connexion à de nouvelles associations et solutions. Grâce à ce processus, des souvenirs traumatiques sont « réinscrits » et leurs connexions émotionnelles et comportementales affaiblies.
Aujourd’hui, les recherches sur les mécanismes d’action de la thérapie EMDR continuent et les discussions loin d’être close dans la communauté scientifique. Ce que l’ensemble s’accorde à dire c’est qu’elle fonctionne, même si l’on en ignore encore précisément les mécanismes sous-jacents.
Armstrong, N. and Vaughan K. (1994). An orienting response model for EMDR. Paper presented at the meeting of the New South Wales Behavior Therapy Interest Group, Sydney, Australia
Lipke, H. (1992). Manual for the teaching of Shapiro’s EMDR in the treatment of combat related PTSD EMDR Institute
Nicosia, G. J. (1994). The QEEG of PTSD with EMDR. Paper presented at the International EMDR-Conference, Sunnyvale, California.
Stickgold, R. (2002). EMDR : A putative Mechanism of Action. Journal of Clinical Psychology (58), 61-76
Barrowcliff AL; MacCulloch MJ, Gray NS; MacCulloch S, Freeman TCA (2001) The de-arousal model of Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR), An investigation of the mechanisms underlying treatment effects in EMDR. Paper presented at the EMDR-Europe Annual Conference, 5. May 2001, London.
Roques, J. «EMDR – Une révolution thérapeutique – La méridienne – Desclée De Brouwer – 2004»
Roques, J. «Guérir avec l’EMDR – Traitements – Théorie – Témoignages, le Seuil, janvier 2007»
Roques, J. “Découvrir l’EMDR” – InterEditions – Mai 2008
Servan-Schreiber, D. (2000). Eye-Movement Desensitization and Reprocessing: Is Psychiatry missing the point? Psychiatric Times 17(7): 36-40.
Servan-Schreiber, D. (2002). Eye-Movement Desensitization and Reprocessing Psychotherapy : A model for integrative medicine. Alternative Therapies in Health and Medicine 8: 100-103.