Se changer pour changer le monde, ou l’image du colibri
Cet article s’inspire de l’ouvrage « Se changer, Changer le Monde » de Ilios Kotsou et Caroline Lesire, réunissant les perceptions à ce sujet de Christophe André, Jon Kabat-Zinn, Pierre Rabhi et Matthieu Ricard.
Un jour, raconte une légende, il y eut un immense incendie au sein d’une forêt. Tous les animaux terrifiés, observaient impuissants ce désastre. Seul un petit colibri s’activait, allant chercher quelques petites gouttes d’eau avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, un tatou agacé par cette agitation lui dit « Colibri, tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces quelques gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu » !. Le colibri le regarda droit dans les yeux et lui répondit « je le sais, mais je fais ma part » !.
Gandhi a dit « soyez le changement que vous voulez voir en ce monde ». Si nous n’habitons pas notre vie et n’incarnons pas ce changement au quotidien, aussi petit soit-il, c’est le monde qui nous changera et non nous qui changerons le monde.
Mais pour changer, comment réveiller et réconcilier en nous le militant et le méditant ?
« Méditantisme » et militantisme sont deux positions souvent dépeintes comme opposées. Les deux sont indissociables, parce qu’on ne peut pas, ou pas seulement changer le monde sur une impulsion mais sur la durée et la continuité. Car le changement n’est pas seulement détruire ce qui ne va pas mais construire ce qui doit émerger. Pour ces raisons, si nous ne portons pas en nous les vertus que nous voulons voir dans le monde, nous ne pourrons pas contaminer les autres et nous ne pourrons pas résister à la difficulté de l’adversité.
Si l’on prend le temps d’y réfléchir, est-il réellement possible d’agir sur ce monde sans se transformer soi-même ? Nous engager pour un monde plus juste et conforme à nos idéaux n’est-il pas aussi une façon de prendre soin de soi ?
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- Etty Hillesum disait « Je ne crois pas que nous puissions corriger quoi que ce soit dans le monde extérieur que nous n’ayons d’abord corrigé en nous ».
Un argument repose sur l’idée que nous sommes le monde. Nous changer revient donc déjà à changer une partie du monde, certes infime, mais existante. De plus, nous sommes, semble t-il, la partie du monde sur laquelle nous avons l’influence la plus directe.
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- Hubert Reeves cite cet exemple que la pollution n’est pas un gros problème, mais six milliards (à l’époque) de petits problèmes.
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- Edgard Morin, lui, nous dit « qu’en portant l’humanité en lui, chaque être humain en est responsable à sa mesure ».
Sommes-nous réellement en mesure d’exercer cette responsabilité ? Des recherches scientifiques laissent entrevoir que la société actuelle sous l’influence de certains facteurs (argent, stress, publicité…) nous aliène. Conditionnés et manipulés nous devenons étrangers à nous-mêmes.
Comment donc retrouver une certaines liberté dans nos actes et nos choix de consommation ? Comment devenir plus responsable, et ce sans culpabilité ? Comment traduire nos peurs et nos indignations en actions susceptibles d’améliorer le cours des choses ?
L’indignation est en effet une étape importante mais il est crucial qu’elle devienne le moteur d’une action dirigée vers quelque chose, pour un modèle alternatif et pas uniquement contre le système existant. Stéphane Hessel, célèbre militant des droits de l’homme et ancien résistant, auteur de « Indignez-vous ! » précisa qu’il était important qu’au-delà de l’indignation chacun réalise qu’il était créateur, qu’il fallait résister pour créer sans cesse et créer pour résister sans cesse.
Plus nous sommes indignés, plus nous avons besoin d’être conscients afin que nos actions restent en cohérence avec nos idéaux. Car déconnectés, coupés de nous-mêmes, nous risquons de nous couper aussi de nos valeurs. L’aliénation, qui tire ses racines du latin alienus, soit « autre » « étranger » désigne ce processus de dépossession de l’individu et la perte de maîtrise de ses forces propres (par le conditionnement social, la publicité, la désinformation et je rajouterai même l’information).
Influencés par ce contre quoi nous luttons, nous devenons déterminés par l’objet de cette lutte. Dès lors, nous risquons de nous comporter de façon injuste contre l’injustice, violente au nom de la paix, barbare au nom des droits de l’homme.
Il y a plus de chances de voir naître des actions justes de consciences intérieures fortes et apaisées.
Se changer commence donc par prendre soin de soi en aiguisant nos capacités de conscience, de sagesse et d’empathie.
Nous sommes l’instrument par lequel nous pouvons agir sur le monde.
Chacun de nous peut faire sa » part du colibri » pour un changement plus global dans le monde.